Petite piqûre de rappel du Tribunal judiciaire de Saint Nazaire en période de pandémie : la liberté de circulation des délégués syndicaux, des représentants syndicaux et des membres du CSE ne peut être remise en cause en application d’un protocole sanitaire y compris en cas de confinement.
Le ministère du travail l’ayant déjà précisé dans son Questions-réponses sur le dialogue social au sein de l’entreprise durant l’épidémie Covid-19 :
« En situation d’état d’urgence sanitaire, au regard de leurs attributions en matière de santé sécurité et condition de travail, les élus du CSE, particulièrement ceux membres de la CSSCT, et les délégués syndicaux, doivent pouvoir continuer à exercer leurs missions à l’intérieur des entreprises dont l’activité n’est pas interrompue. Elles requièrent le maintien de leur liberté de circulation, reconnue d’ordre public » [1].
Le principe de la liberté de circulation.
Les délégués et les représentants syndicaux, les membres du CSE peuvent
« tant durant les heures de délégation qu’en dehors de leurs heures habituelles de travail, circuler librement dans l’entreprise et y prendre tous contacts nécessaires à l’accomplissement de leur mission, notamment auprès d’un salarié à son poste de travail, sous réserve de ne pas apporter de gêne importante à l’accomplissement du travail des salariés » [2].
Sur la notion de gêne importante, en cas de contentieux, il appartient au juge d’apprécier souverainement les circonstances [3].
Aucune limitation ne peut être apportée aux dispositions relatives à l’exercice du droit syndical par note de service ou décision unilatérale de l’employeur [4], ni par le règlement intérieur de l’entreprise [5]. Cette liberté de déplacement ne peut être soumise à l’autorisation d’un supérieur hiérarchique [6] ou à un ordre de mission [7].
L’employeur peut néanmoins demander aux intéressés de justifier de leur mandat pendant leurs déplacements ; l’emploi de bons de délégation comme titres de circulation a été admis [8], sous réserve qu’il ne s’agisse pas d’un moyen de contrôle [9].
Le représentant du personnel doit bien entendu se déplacer pour des motifs liés à son mandat.
Restriction de la liberté de déplacement.
L’employeur, responsable de la sécurité dans l’entreprise [10], peut y encadrer l’accès des représentants du personnel pour des impératifs de sécurité tenant au respect de procédures [11] ou en imposant des équipements de protection. Il ne peut toutefois apporter de restriction injustifiée et disproportionnée à leur liberté de circulation [12].
Il incombe cependant aux intéressés comme à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de leur formation et selon leurs possibilités, de leur santé et de leur sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par leurs actes ou omissions au travail, notamment en se conformant aux règles du protocole sanitaire en ce qui concerne les gestes barrières, etc [13].
La restriction d’accès et de circulation sur un site opposée à un représentant du personnel et donc l’absence de possibilité de communication avec les salariés présents sur le site, est disproportionnée au but recherché et légitime de protection sanitaire de l’ensemble des salariés et constitue un trouble manifestement illicite qu’il appartient au président du tribunal judiciaire de faire cesser [14].
Notes :
[1] https://travail-emploi.gouv.fr/le-ministere-en-action/coronavirus-covid-19/questions-reponses-par-theme/article/dialogue-social
[2] Art. L2143-20, L.2315-14 c. trav.
[3] Cass. crim. 27 sept. 1988, n° 87-81800 ; cass. soc. 23 sept. 1992, n° 89-40664.
[4] Art. L2141-10 c. trav.
[5] Cass. crim. 8 mai 1973, n° 72-92386.
[6] Cass. crim. 4 octobre 1977, n° 76-91922.
[7] Cass. crim. 5 mars 2013, n° 11-83984.
[8] Cass. crim. 10 janvier 1989, n° 87-80048.
[9] Cass. soc. 10 décembre 2003, n° 01-41658.
[10] Art. L4121-1 et suivants c. trav.
[11] Cass. soc. 9 octobre 2019, n° 18-13914.
[12] Art. L1121-1 c. trav.
[13] Art. L4122-1 c. trav.
[14] Art. 835 c. p. c., TJ St Nazaire 27 Avril 2020 n° 20/00071.
Franck LE LOUEDEC Consultant
Ancien conseiller prud’homal salarié, section commerce
Source:
https://www.village-justice.com/articles/empecher-virus-circuler-peut-etre-mais-les-representants-personnel-est-non,36925.html
